Les coulisses d’une chimiothérapie

La chimiothérapie est terminée depuis plus de 2 mois maintenant. Mais comment ça se passe, concrètement ? Je n’en avais aucune idée avant décembre dernier, et les rares personnes qui ont osé me poser des questions m’ont avoué la même chose. Je me suis dit qu’il serait intéressant de vous partager les coulisses d’une séance de chimio !

Avant que l’on ne diagnostique le cancer de mon mari, je n’avais jamais réfléchi à ce que c’était qu’une chimio. Tout le monde connaît le mot mais qui a le malheur d’en avoir vécu de près, de vraiment savoir comment ça se passe ? Quand on dit « chimio » on imagine « perte de cheveux » mais c’est à peu près tout. Comme vous vous en doutez, c’est bien plus large que ça.

Il existe autant de types de chimios que de types de cancers. Un traitement de chimiothérapie est donc extrêmement variable d’un.e patient.e à un.e autre. Je ne connais que celui de mon mari, je ne parlerai donc que de son cas : je ne le soulignerai jamais assez, car ce dont je parle et parlerai dans les mois à venir ne concerne que NOTRE expérience de la maladie. Je ne prétendrai donc jamais que c’est la même chose pour tout le monde : très, très loin de là.

Je dois d’abord commencer par une très brève chronologie de comment tout s’est déroulé pour nous. Il manque certaines étapes qui ne sont pas pertinentes pour cet article, mais par rapport à la chimio voici par quoi nous sommes passés :

  1. la découverte de la tumeur (par hasard… j’en reparlerai !)
  2. un premier examen
  3. la biopsie (analyse d’un extrait de tumeur)
  4. le pet-scan (un scanner spécial pour voir si le cancer est localisé ou généralisé)
  5. l’ablation de la tumeur (j’en reparlerai sûrement aussi)
  6. l’analyse de la tumeur (qui a un autre nom médical qui n’évoque rien…)
  7. la décision du protocole (une réunion spécifique entre grands manitous qui décident du sort du patient.e)

Tout ça s’est fait sur sept semaines. Et croyez-moi c’est une éternité quand on attend ce type de résultats… Mais ce n’est pas le sujet ici.

Pour C., le protocole de chimiothérapie consistait en un traitement préventif. Le cancer était localisé, la tumeur était retirée, il n’y avait pas de métastases, mais un ganglion était touché : en très gros, on était presque dans le mieux du pire, mais pour réduire le risque que le cancer ne revienne, il fallait quand même passer par une chimio. Quand on parle de chimio, même si elles sont toutes différentes, le principe est une prise de divers médicaments, censés éliminer les cellules cancéreuses. Toutefois, ils sont tellement toxiques qu’ils touchent également les cellules saines : c’est pourquoi les effets secondaires sont si nombreux et si négatifs.

Les médicaments sont administrés par perfusion. Pour ne pas que C. ait des bras totalement massacrés à la fin du traitement, on lui a installé ce qu’on appelle un port à cathéter. Globalement c’est un petit boîtier, placé sous la peau, relié à un tube qui arrive lui-même dans une veine : les infirmières y installaient la perfusion. Le port-à-cath a été installé par notre chirurgien (le même qui a vu la tumeur en premier – que de suspense, un jour vous saurez toute l’histoire… peut-être), sous anesthésie locale. Selon la corpulence, on voit une petite bosse en haut à droite de la poitrine et le tube dans le cou.

Le traitement de C. devait s’étaler sur environ 6 mois. Chaque « session » de chimiothérapie s’appelle une cure. Il devait avoir 12 cures au total, à deux semaines d’intervalle. La veille de chaque chimiothérapie, il devait faire une prise de sang, qui décidait si la chimiothérapie pouvait bien se faire le lendemain. Si la prise de sang n’était pas assez bonne, la cure était repoussée d’une semaine. Quand on parle de « bonne » prise de sang, en gros, l’oncologue regardait si les taux de globules blancs et de plaquettes étaient assez élevés. La toxicité s’accumulait à chaque cure, ce taux diminuait donc au fur et à mesure des semaines. C. a pu passer la moitié du traitement sans report, et le traitement est par la suite devenu trop toxique. Il a subi plusieurs reports et vers la fin, une diminution de certains médicaments. Il a quand même réussi à terminer la chimio : certain.e.s patient.e.s n’arrivent pas à la supporter. Au total, sa chimiothérapie aura duré 6 mois et 8 jours. Si vous vous posez la question : OUI c’est LONG. Et OUI ça peut être bien pire.

La chimiothérapie se déroulait à la clinique pendant environ 4 heures, puis se poursuivait à la maison sur 48h. Avant chaque cure et pendant les 48h de chimio, C. devait prendre une série de médicaments pour réduire les vomissements et brûlures d’estomac. Les patient.e.s ont régulièrement des problèmes digestifs pendant la chimiothérapie : nausées, vomissements, diarrhées, brûlures d’estomac, perte d’appétit. On avait aussi rencontré une diététicienne à la clinique, qui nous avait donné un livret de conseils nutritionnels pendant la chimiothérapie. Il était important de maintenir un poids stable autant que possible. Malheureusement, elle nous avait aussi conseillé de réintroduire les protéines animales plusieurs fois par semaine, car elles sont mieux assimilées que les protéines végétales pendant la chimio. On a donc réintroduit la viande dans notre régime pour cette année.

Un autre effet secondaire possible était les sensations de picotements aux extrémités et d’étouffements si on est exposé.e à du trop froid ou du trop chaud : C. ne pouvait pas sortir sans gants ni écharpe, ni manger/boire trop froid ou trop chaud. Pas de glace pendant la chimiothérapie ! Détail amusant, il n’avait pas le droit non plus au pamplemousse, car cet aliment peut réduire l’effet des médicaments. La chimio peut faire perdre de la sensibilité, ce qui fut le cas pour C. : il n’arrivait plus à bien agripper des objets et perdait souvent l’équilibre.

Il y a une myriade d’autres effets secondaires connus mais ils dépendent vraiment de chaque patient.e, de chaque traitement et de chaque cure. C. n’a pas eu deux fois la même cure. Parfois, il était vraiment malade, parfois pas. La seule constante a été la fatigue : il était toujours épuisé pendant les jours suivants la chimio. Il avait également un goût désagréable dans la bouche, apparemment assez indescriptible, et il se gavait de chewing gums et bonbons à la menthe pour essayer de le couvrir ! Par contre, dans son traitement, il n’y avait pas de risques de perte capillaire.

Concrètement, la cure était divisée en six grandes parties.

  1. La préparation anti-allergique. Une infirmière vient d’abord nettoyer le port à cath. Elle doit porter une charlotte et un masque, et donne un masque à C. aussi, pour éviter toute infection. Elle pique ensuite dans le port à cath. La préparation antiallergique consiste en trois médicaments en perfusion, chacune dure environ 15 minutes. Ces médicaments sont censés limiter les effets secondaires. Au total ça prend environ une heure, le temps de chaque perfusion et le temps qu’une infirmière vienne changer le médicament à chaque fois. En général,  C. commençait à s’endormir peu après le début de cette première étape : un des effets des médicaments.
  2. L’administration de la chimio en elle-même. Une infirmière vient installer la perfusion avec deux nouveaux médicaments, pour deux heures.
  3. Les rinçages. Au bout des deux heures, l’infirmière retire les médicaments et effectue deux rinçages de 15 minutes, toujours sur le même principe de perfusion.
  4. L’administration du dernier médicament, pendant 15 minutes.
  5. La diffusion du dernier médicament dans une petite bonbonne, pendant 48h. L’infirmière donne une banane à C., dans laquelle il garde la bonbonne (vous vous demandez si c’est chiant ? la réponse est oui).
  6. Le retrait du diffuseur au bout des 48h. Une infirmière vient chez nous et retire le diffuseur.

Chaque diffuseur devait être jeté dans une poubelle spéciale, qu’on nous avait donnée à la première cure et qu’un service spécial vient récupérer à la fin du traitement.

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La seule photo de chimio que vous aurez : le diffuseur, une fois vide ! Le tube était relié directement au port-à-cath, et le diffuseur mis dans une banane pour le transporter pendant 48h.

Et après tout ça… ben… on en avait marre tous les deux ! 😉

J’espère que ça vous éclaire un petit peu sur le déroulement d’une chimiothérapie. Je répète qu’il ne s’agit là que de celle qu’a connue C. et qu’il existe beaucoup d’autres formes et durées de traitement.

Très peu de personnes m’ont demandé en quoi consistait le traitement, alors que c’était quelque chose dont j’avais vraiment besoin de parler (attention je n’en veux à personne hein, c’est un constat). De mon côté je n’ai pas réussi à entamer la discussion à ce propos sans qu’on me pose de questions. Genre « coucou ça va ? tu m’as rien demandé mais aujourd’hui je vais te raconter comment se passe la chimio de mon mec ! bonne journée ! » Je sais que ce n’est pas forcément un sujet qu’on a envie d’aborder, mais je trouve cela incroyablement important de comprendre, que ce soit pour les proches ou les moins proches. Si vous avez été intéressé.e.s par la lecture de cet article, je vous en remercie ! 🙂

(pour conclure : la photo de couverture n’a rien à voir mais illustrer une chimio c’est pas foufou, et cette photo a été prise juste au début du traitement de C. alors voilà)

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4 commentaires sur “Les coulisses d’une chimiothérapie

  1. Effectivement on ne se doute pas, derrière ce mot, chimio, toute la lourdeur de traitement à (sup)porter lorsqu’on y est confronté.e, malade ou aidant.e. Six mois de cette lourdeur, ça parait interminable, d’autant plus si les effets indésirables ne sont pas réguliers … l’instabilité jusqu’au bout. Quel soulagement vous avez dû ressentir, une fois la dernière séance terminée !

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    1. Oui c’est ça, c’est difficile (pour ne pas dire impossible) d’imaginer tout ce qu’une chimio implique. Et maintenant que c’est derrière nous, j’ai du mal à me rendre compte qu’on est passés par là !
      Curieusement, on n’a pas ressenti de soulagement à la dernière cure. On était juste épuisés et on n’en pouvait plus. Et quand ton quotidien est rythmée par la chimio pendant des mois et des mois, ça ne part pas du jour au lendemain. Mais c’est plutôt maintenant, presque 6 mois après, qu’on ressent le soulagement 🙂

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  2. Pendant hyper longtemps j’ai pensé que la chimio était une radiothérapie, je sais même plus pourquoi je pensais ça… depuis j’ai lu plusieurs personnes qui en parlent, des familles concernées par ça qui racontent ces traitements et donc j’ai une meilleure idée de ce que ça implique. Mais clairement à la base, on ne sait pas.

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    1. Je ne sais même plus ce que je pensais avant que mon mari commence sa chimio ! Mais clairement je n’avais aucune idée de comment ça se passait réellement. J’avais juste des images comme on peut en voir parfois dans les films. Mais il faut aussi savoir que les chimios sont différentes selon les cancers. Et les effets secondaires varient beaucoup aussi.
      Ce n’est pas très joyeux à lire ni à raconter, mais je trouve ça important d’en parler !

      Aimé par 1 personne

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