La résilience après un traumatisme

C’est en discutant du déconfinement avec ma psy qu’elle m’a conseillé le podcast « Emotions », de Louie Media, qui a réalisé un épisode sur « le syndrome de la cabane », dont j’avais en effet entendu parler pour décrire les gens qui, comme moi, se retrouvaient à ne pas vouloir sortir tout de suite de leur confinement. Je me suis inscrite à la chaîne et ai commencé à écouter leurs podcasts. J’ai tout de suite accroché : j’ai immédiatement aimé le format des épisodes, entre narration, témoignages, analyses psychologiques. Tout comme grâce à Deliciously Ella, écouter ce podcast m’aide à me sentir soutenue, moins seule, mieux comprise, et à me comprendre moi-même.

Vendredi, j’ai écouté un épisode intitulé « La résilience : comment redonner du sens à sa vie après un traumatisme ? ». Pendant les 53 minutes, j’ai eu l’impression de retrouver exactement ce que j’avais vécu depuis octobre. Tout sonnait tellement juste, tout résonnait en moi. J’ai trouvé des réponses à des questions que je ne m’étais même pas posé, et tout est devenu si évident. La résilience est un mot assez à la mode ces derniers temps, encore plus avec le confinement. Il a été repris de nombreuses fois dans les medias et en politique, mais que veut-il vraiment dire ? C’est quoi finalement, la résilience ?

L’épisode raconte l’histoire de trois victimes de traumatisme : un accident, une agression sexuelle et une opération qui a mal tourné. Deux psychologues analysent également le phénomène de résilience. En écoutant les récits des trois personnes interrogées, deux choses m’ont frappée : combien des expériences si différentes de la mienne et les unes des autres puissent être si similaires, et également, l’utilisation du mot « victime ». Je ne mettrais jamais en doute que ces trois personnes soient des victimes. Je ne mettrais jamais non plus en doute le traumatisme qu’elles ont vécu, la douleur et la solitude qu’elles ont traversées. Alors pourquoi, dès qu’il s’agit de moi, j’ai l’impression d’être la coupable ? Que mes émotions ne sont pas légitimes ? Ecouter ce type d’émissions est d’autant plus salvateur pour moi. Entendre parler de personnes qui ont ressenti la même chose que moi, même pour des événements très différents, représente une aide incroyable. Ce que ces trois personnes ont vécu est tellement éloigné de ce que j’ai vécu moi-même et pourtant, je me retrouve dans leurs mots. C’est comme si elles me disaient : tu n’es pas seule Anousha, tout ce que tu ressens, c’est normal, c’est légitime. Tu as le droit de ressentir tout ça. Et ça m’encourage encore plus dans ce projet de partage de ce que je traverse.

Les psychologues qui participent à l’épisode, Muriel Villani et Line Bernier, parlent de l’importance de l’entourage, bien plus même que l’importance : le besoin primordial d’être bien entouré.e pour faire face à un traumatisme. Mais elles insistent également sur la personnalité de la victime. Je me revois alors remercier encore et encore ma famille, mes amies, ma psy, leur dire que sans elles, je n’en serais pas là, que sans elles, je ne serais jamais arrivée à traverser tout ça. Qu’elles m’ont tellement aidée, tellement soutenue. Et à elles de me répondre, mais Anousha, tu n’as pas fait ça grâce à nous, tu as fait ça grâce à toi. C’est toi qui en es arrivée là. C’est toi qui es forte. C’est toi qui as avancé, fait tout ce travail. C’est dingue, comme je reste incapable de penser que ces ressources, je les ai bien en moi. Une des deux psychologues utilise une comparaison qui me paraît très juste : lorsque l’on subit un traumatisme, c’est comme une poupée qui tombe au sol. La façon dont on va faire face au traumatisme, cela dépend de la matière de la poupée, et de ce sur quoi elle tombe. Une poupée de porcelaine sur du béton armé, elle va se briser en mille morceaux. Une poupée de chiffon sur un lit de plumes, elle atterrira en douceur. La poupée, c’est nous. La chute, c’est le traumatisme. Le sol, c’est notre entourage. Mon sol est clairement le plus doux et moelleux qu’il soit. Il a considérablement amorti ma chute.

La fameuse résilience n’est donc pas acquise. Elle est décrite dans l’épisode comme « un processus qui prend du temps, s’installe dans le temps », « un processus long, laborieux, pas forcément linéaire ». La psychologue Muriel Villani insiste sur l’immense énergie psychique et les ressources requises pour ce processus. Et c’est exactement ça, mon propre parcours depuis octobre : un cheminement incertain, tortueux, qui me demande tellement de temps, de force physique et mental, de courage. Combien de fois me suis-je sentie complètement éreintée, simplement parce que j’essayais d’aller mieux, de m’en sortir. Sans parler de chaque séance de psy, dont je sors épuisée, d’avoir tant parlé, tant pleuré. Ce « réservoir d’énergie » si bien décrit dans cet épisode d’Emotions, j’ai souvent cru l’avoir vidé. J’ai souvent pensé : je suis à bout, je suis au bout, j’ai atteint mes limites, je n’en peux plus. Pour finalement rebondir à chaque fois.

De cet état de choc total en octobre, à cet article sur la résilience aujourd’hui, il s’en est passé des choses. De ces moments où j’avais l’impression de vivre la vie d’une autre, de ne plus être dans mon corps, à la réalisation que j’avais vécu un traumatisme qu’il était possible de surmonter, j’ai grandi, évolué, changé. Il y a tellement plus dans cet épisode de podcast qui m’a servi de base pour vous partager mon expérience, je vous invite vraiment à aller l’écouter.

Grâce à cet épisode, j’ai pris conscience que j’avais le droit de me considérer comme une victime de traumatisme (non pas que ma psy ne me l’ait pas déjà dit de nombreuses fois ;-)). J’ai compris qu’un traumatisme ne sera pas le même pour tout le monde. Ciaran ne l’a pas vécu de la même façon. Peut-être que des personnes en lisant cet article, ou même sans lire cet article, trouvent que j’exagère, que je ne suis pas une victime. Mais ce que je ressens moi, c’est bien là, c’est bien réel. Je n’irais pas jusqu’à dire que ce n’est pas grave si certaines personnes pensent ça : j’en serais forcément peinée, et la reconnaissance de nos traumatismes est une étape importante dans le processus. Mais je suis bien entourée et je me sens chaque jour reconnaissante d’avoir ce soutien indispensable.

La résilience, finalement, qu’est-ce que c’est ? Littéralement, la résilience, c’est reprendre sa forme initiale. Mais comme le dit Muriel Villani, si on survit à un traumatisme, on ne fait pas que reprendre sa forme initiale : on en sort renforcé.e.s. La résilience, c’est donc reprendre sa forme en étant renforcé.e.s, c’est « réussir à donner du sens à un événement traumatique ». C’est comprendre qu’on a le pouvoir de changer les choses. C’est ce que j’essaie de faire tous les jours, avec plus ou moins de succès, mais sans jamais abandonner.

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4 commentaires sur “La résilience après un traumatisme

  1. Merci pour cet article. J’aime beaucoup l’image de la poupée et du sol, avec l’idée que les conséquences d’une même chute ne seront pas les mêmes selon la nature de la poupée et du sol… C’est une belle image je trouve !
    Je rebondis sur la partie où tu écris que certains trouveront que tu exagères et que tu n’es pas victime de traumatisme. J’espère que personne ne t’a dit ça en vrai ! C’est du grand n’importe quoi… la maladie grave de sa moitié, c’est clairement traumatique… Et puis de toute façon, c’est aussi le ressenti qui fait le traumatisme. Personne ne peut décréter pour toi, de l’extérieur, qu’une chose est un traumatisme et qu’une autre ne l’est pas…
    En tout cas chapeau à toi pour avoir su mobiliser toutes ces ressources autour de toi et surtout en toi. Tu peux être fière de toi…
    Merci encore pour ces derniers articles. Je vous embrasse !
    Aurélie.

    Aimé par 2 personnes

    1. Oui j’ai trouvé l’image de la poupée vraiment parlante !!
      On m’a en effet dit ça en vrai, que ma réaction était exagérée. C’est toujours ce que je crains, qu’on pense que quand même, c’est pas si difficile que ça. J’ai toujours ce problème de légitimité de mes émotions, je travaille dessus et parfois ça va, mais d’autres fois je replonge haha.
      Merci pour tes encouragements ! ❤

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  2. J’adore ce mot… Ses sonorités, et tout le sens qu’il exprime.

    « Résistance aux chocs des matériaux », voilà son sens premier, qui en dit déjà long. Et comme tu le conclus, résistance ne veut pas dire exempt de déformations. Au contraire. La résilience c’est avancer malgré les chocs. *Avec* les chocs même.

    Le syndrome de l’imposteur, ça peut se décliner de tout un tas de façon, et ça ne m’étonne pas de le retrouver chez toi qui es si sensible. Mais si des mots résonnent en toi et que te les approprier te permets de progresser dans ton processus de résilience, personne ne sera légitime pour te dire que tu as torts. C’est tes sensations propres et tu es quand même la mieux placée pour caractériser ce qui se passe à l’intérieur de toi !

    Le tout est de savoir prendre du recul régulièrement pour suivre l’évolution de ces mots, et ne pas rester « bloquée » dans un schéma qui ne te correspond plus pour avancer. C’est en tout cas comme ça que je le vois… 🙂

    Aimé par 2 personnes

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